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Business.2010 newsletter: COP-9, Business and biodiversity in Bonn.

Volume 3, Issue 3: This feature highlights the Business and Biodiveristy related decisions and events at COP 9 in Bonn.

'Aménager en ménageant la biodiversité'

Author
Laurent Piermont
Président-Directeur général, CDC Biodiversité
La Caisse des Dépôts a annoncé la création, le 19 février dernier, de la CDC Biodiversité. Quel est le rôle de cette nouvelle entité ? La Caisse des Dépôts a créé CDC Biodiversité avec trois missions en tête. D’abord, accompagner l’Etat, les entreprises, les collectivités, les maîtres d’ouvrage, les pouvoirs publics, dans leurs actions, volontaires ou réglementaires, en faveur de la biodiversité. Ensuite, concevoir et piloter la réalisation et la gestion à long terme d’actions positives pour la biodiversité, en mobilisant les financements nécessaires. Enfin, conjuguer durablement ingénierie écologique et financière pour contribuer à aménager les infrastructures écologiques du pays.

Qu’est-ce qui a motivé sa création ?
La création de CDC Biodiversité est un des aboutissements de la Mission Biodiversité de la CDC, une mission d’étude de trois ans conduite en concertation avec l’Etat, les associations, les entreprises et les collectivités. Cette étude a souligné le manque, dans le paysage français de la biodiversité, d’un opérateur pouvant jouer, sur le long terme, un rôle financier et d’ensemblier, indispensable à la mise en œuvre d’actions de conservation efficaces et pérennes. Le besoin d’un opérateur s’est notamment ressenti sur le sujet de la compensation. Je pense qu’il est important de rappeler que le droit français impose depuis 1976 aux maîtres d’ouvrage de projet d’aménagement de, dans un ordre hiérarchique, (1) éviter leurs impacts, (2) réduire leurs impacts non évités puis (3) compenser leurs impacts résiduels. Les mesures d’évitement et de réduction s’intègrent dans la conception même de l’ouvrage et peuvent avoir des implications techniques que le maître d’ouvrage maîtrise parfaitement. En revanche, la compensation, qui consiste à mettre en œuvre une action positive et additionnelle pour la biodiversité, repose sur des logiques écologiques, opérationnelles et temporelles mal ou inconnues des aménageurs qui, en conséquence, ne savent pas comment procéder. Avec CDC Biodiversité, les maîtres d’ouvrage, entreprises et collectivités ont dorénavant un acteur spécialisé pour les accompagner dans leurs actions en faveur de la biodiversité, non seulement au titre de leurs obligations de compensation, mais aussi dans le cadre d’une démarche volontaire.

Comment CDC Biodiversité intervient-il concrètement ? Auprès de quels acteurs ?
Nous inscrivons notre action dans une double logique contractuelle de résultats écologiques et économiques, en apportant, notamment, l’assurance d’un suivi de longue durée et la stabilité d’un tiers de confiance. Nous intervenons à la demande d’un maître d’ouvrage, d’une collectivité, d’une entreprise, des pouvoirs publics, etc., dans le cadre d’une démarche contractuelle, et nous faisons intervenir des acteurs de terrain et des spécialistes qualifiés dont nous soutenons les actions par des partenariats de long terme. Ainsi, CDC Biodiversité s’engage de plusieurs manières. En terme de sécurisation foncière, tout d’abord, lorsque nous identifions le foncier potentiel répondant aux exigences de la compensation, puis nous le sécurisons, en se portant, le cas échéant, acquéreur en nom propre du foncier. Ensuite, en terme de mise en œuvre de l’action de compensation sur toute la durée d’engagement, depuis la conception jusqu’à la gestion et le suivi scientifique de l’opération. Enfin, en terme de reporting, par un moyen approprié, au maître d’ouvrage ainsi qu’aux autorités administratives et scientifiques. Pour viser la meilleure efficience, nous plaçons notre intervention et évolution sous trois regards extérieurs sollicités. Celui d’associations de la nature avec lesquelles nous avons noué un dialogue structuré. Celui des autorités publiques en nous inscrivant dans un partenariat, Celui d’un comité scientifique réunissant des spécialistes reconnus de différentes disciplines scientifiques de l’écologie et de l’économie, qui nous éclaire et est garant de la conformité écologique de nos actions.

Est-ce comparable avec les « conservation banks » aux USA ?
Le cœur de métier de CDC Biodiversité est d’intervenir « à la demande ». Cette démarche est donc différente de l’approche « banking » fondée sur le financement d’actions positives pour la biodiversité avec l’objectif de les valoriser à posteriori au titre de la compensation, après leur validation par l’administration. Une intervention de type banking, que l’on peut aussi appeler « approche par l’offre» par opposition à l’approche par la demande décrite ci-dessus, n’en reste pas moins intéressante car elle permet de répondre à des enjeux écologiques réclamant une intervention rapide, mais ne trouvant pas, localement, de réponse adaptée; de garantir qu’au moment de l’impact, la mesure compensatoire soit déjà effective et ainsi rassurer les instances scientifiques et associatives d’une mise en œuvre effective et efficace au moment où le dossier est en cours d’instruction ; enfin de mutualiser le financement de plusieurs mesures compensatoires visant le même habitat, et ainsi conduire des actions de grande envergure, plus efficaces et plus cohérentes pour la conservation de la biodiversité. L’expérience américaine et australienne du banking nous a convaincu, avec le Ministère de l’écologie, de l’intérêt d’une expérimentation en France. Nous sommes en train d’étudier le lancement d’actions pilotes expérimentant l’approche par l’offre, en liaison avec le Ministère français de l’Ecologie et les autorités scientifiques.

Comment les différents acteurs perçoivent-ils les mesures compensatoires ?
La compensation est prévue dans le droit français depuis 1976. D’un point de vue réglementaire, la question de sa perception ne se pose pas, la compensation est une obligation réglementaire et doit donc être mise en œuvre lorsque les autorités administratives et scientifiques l’exigent. D’un point de vue sociétal, la prise de conscience environnementale actuelle fait qu’il sera de moins en moins acceptable de proposer un aménagement sans prévoir la réparation complète des impacts de cet aménagement sur la biodiversité, et cela si et seulement si ils sont réparables. A ce titre, nous proposons de développer le partage du principe dit de «pas de perte nette» de biodiversité dans la réalisation d’un ouvrage, dans la conception d’un site ou d’une zone d’activités, etc. de manière à aménager en ménageant la biodiversité. La compensation est la troisième composante du triptyque éviter/réduire/compenser et c’est l’application dans sa totalité du triptyque qui est indispensable pour atteindre l’objectif «pas de perte nette».

Quelle est la relation avec la Société Forestière, autre filiale de CDC ?
CDC Biodiversité constitue l’une des ««solutions-nature » conçue par la Société Forestière, filiale du groupe Caisse des Dépôts, qui inscrit depuis plusieurs années déjà ses actions sous une bannière : «faire de la nature une valeur sûre». Elle assure la présidence, la gestion et l’animation de CDC Biodiversité et lui apporte d’ores et déjà l’infrastructure d’une société solide, un réseau régional de terrain, sa connaissance d’acteurs locaux et l’expérience acquise durant quarante années d’activités proches de la nature et de valorisation des investissements liés à la nature.

La Société Forestière a beaucoup œuvré dans le secteur de la « finance carbone ». Pouvez-vous nous rappeler les grands traits de cette démarche?
De par son activité, la Société Forestière, première société de gestion forestière privée en France, s’est naturellement intéressée au climat, et ce dès 1998. La SF est à l’origine de la Mission Climat de la CDC, qu’elle a pilotée entre 2000 et 2004, et qui a eu deux aboutissements majeurs. Premièrement, la création de Seringas, un logiciel informatique dédié à la tenue de registres nationaux de quotas d’émissions de gaz à effet de serre. Adopté par l’Etat français dès 2005, Seringas est aujourd’hui utilisé par d’autres pays membres de l’UE comme l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg ou le Portugal. Deuxièmement, la création du Fonds Carbone Européen (FCE), ayant vocation à acquérir, gérer et revendre des quotas d’émission de CO2 afin de contribuer à la liquidité du marché. Doté aujourd’hui de EUR 142 M, le FCE a depuis deux ans, participé à de nombreuses opérations de réduction d’émission de gaz à effet de serre, dépassant les 29 millions de tonnes.

De plus en plus d’entreprises perçoivent les enjeux stratégiques liés aux changements climatiques. A contrario, encore relativement peu d’entreprises font le lien entre performance commerciale et biodiversité. Comment peut-on rendre la biodiversité plus « tangible » pour les entreprises ?
Je pense que la création de CDC Biodiversité est un message fort en lui-même. Il indique aux entreprises que s’intéresser à la conservation de la biodiversité a un fondement économique réel. Je vous rappelle que les services rendus par la biodiversité au sens large sont évalués, au niveau mondial à 30 000 milliards de dollars. La transcription prochaine dans le droit français de la directive européenne dite de « responsabilité environnementale », est un outil réglementaire supplémentaire dans le dispositif encadrant les atteintes à l’environnement. Plus les contraintes seront grandes, plus les entreprises feront attention. Mais il est important que la relation Entreprise / Biodiversité ne soit pas seulement appréhendée par l’angle des impacts. Les liens et les interactions entre les entreprises et la biodiversité sont multiples et variés. Même une banque, dont le cœur d’activité est à première vue bien éloigné des habitats naturels, garde un lien étroit avec la biodiversité, au niveau des consommables qu’elle utilise, des repas pris par ses employés, du type de projets et des acteurs qu’elle choisit de financer. C’est en appréhendant la relation dans son ensemble et en fournissant de nombreux exemples sur les services rendus par la biodiversité, que les entreprises deviendront convaincues qu’il faut agir pour celle-ci .

Laurent Piermont est Président-Directeur général, CDC Biodiversité.
Pour toute information supplémentaire, contacter Brice Quenouille, Chargé de mission.